Jeudi, j’ai eu la chance de me rendre pour la première fois à Belharra, pour shooter, depuis un bateau, la géante basque. Récit d’une matinée, pas comme les autres.

Pierre Rollet sur la bombe de la journée

Certains y ont vu un symbole. D’autres une chance. Belharra était attendue depuis maintenant quelques jours par les chargeurs du coin. Le contexte ? Il était particulier, voire anxiogène. La veille, le président Macron annonçait un reconfinement national et ce jeudi 29 octobre était donc, de fait, le dernier jour où basques, landais et français pouvaient circuler librement, sans la fameuse attestation de déplacement dérogatoire.

Dès le matin, à une heure où le soleil est encore bien caché derrière les montagnes basques, le port de Socoa et ses alentours, eux, sont sur le qui-vive. Des voitures remorquant des jets passent, des curieux scrutent un horizon encore trop sombre pour évaluer la puissance des vagues. Sur le parking, Gibus de Soultrait et sa bande se changent pour rejoindre le monstre à la rame, alors qu’une caméra de France Télévisions interroge un équipage venu des Landes pour se confronter à la bête. « C’est par où pour voir la vague », demande une jeune femme. « La corniche, c’est loin d’ici ? » s’interroge-t-elle quelques secondes plus tard. Belharra attire beaucoup de monde. Les passionnés de surf ne sont pas les seuls intéressés.

« Je ne le sens pas… »

Huit heures moins le quart. Le soleil pointe enfin le bout de son nez. Au loin, dans la baie de Saint-Jean-de-Luz, on aperçoit d’impressionnantes masses d’eau s’abattre sur la digue. Les bateaux ou jet-ski qui rejoignent le large paraissent minuscules à côté des éclats d’écumes contre ces blocs de pierre. Avec trois autres personnes, nous sommes censés quitter le port à huit heures pétantes. Mais le marin avec qui nous devons partir en mer annule au dernier moment. « C’est trop gros pour sortir, je ne le sens pas. La sécurité passe en premier. » 

Deux coups de téléphone et dix minutes de voiture plus tard, j’embarque finalement sur un autre navire, au port de La Nivelle, grâce à mon pote angloy Matias Libier et ses amis. À l’embouchure, puis dans la baie, les mouvements d’eau confortent l’idée que la virée va être solide. Nous progressons doucement vers le large. Sur notre droite, la digue de l’Artha. À gauche, le fort de Socoa. En face ? Une houle longue et puissante, laissant apparaître des creux de plusieurs mètres. C’est parti. Bien accrochés, nous voyons la terre ferme s’éloigner et nous pouvons profiter de ce premier spectacle. Les mouvements autour des digues sont déjà impressionnants.

Le Jaizkibel et les trois couronnes entourent Belharra

Au loin, sur la gauche, et malgré les quelques deux kilomètres qui nous séparent de la vague, Belharra est déjà bien visible. Il nous faut une dizaine de minutes pour arriver au pic. Là-bas, le cadre est somptueux. Derrière nous, la corniche ou du moins, ses formes, qu’on distingue au travers de la brume. Au sud, le Jaizkibel ou les trois couronnes surplombent l’horizon. Au nord, les bateaux, jet-ski et autres pirogues viennent compléter le paysage.

Stéphane Iralour se fait plaisir

La vedette du jour ? C’est une masse d’eau, entre 8 et 15 mètres, qui se déplace à une vitesse ahurissante. Là, au plein milieu de l’océan atlantique, le calme et le fracas qui se succèdent contrastent terriblement. L’écume poussée par le vent offshore offre, aussi, un spectacle saisissant. Peu après notre arrivée, l’angloy Stéphane Iralour s’octroie une première bombe. 

Les séries s’enchaînent. Les chargeurs locaux sont tous au rendez-vous. Matthieu Aguirre et Titouan Galea font le show, en foil et flottent dans les airs avec une simplicité déconcertante. Dans ce coin perdu au large des côtes, les longues accalmies permettent, à tous, de partager quelques paroles dans la bonne humeur. Mais les séries finissent toujours pas remettre l’action au centre des attentions et la vague d’après permet de rester, sans cesse, en alerte. Sous les yeux de son père, Antonin de Soultrait manque de peu une bombe à la rame et la sanction, ensuite, est inévitable.

Antonin de Soultrait essaye de dompter la bête à la rame

Alors que le soleil cogne de plus en plus et que les conditions sont idéales, le Bayonnais Gautier Garanx, vainqueur du Billabong XXL Award en 2014 part, lui aussi, sur une jolie série.

Gautier Garanx en action, à Belharra

Pierre Rollet surfe sa plus grosse vague, ici

Mais la palme d’or revient à l’angloy Pierre Rollet. Impressionnant de facilité avec un surf fluide et de belles courbes sur la paroi, le jeune homme parvient à prendre la plus grosse vague de la journée.
Il est alors 11h46. Titouan Galea vient de se régaler sur une intermédiaire. Matthieu Aguirre, qui a troqué son foil pour un gun est le premier surfeur qu’on aperçoit, Mathieu Crepel est à côté de lui, en jet ski. La houle nous passe dessous, quand soudain, ce monstre gigantesque se dresse face à nous. Pierre Rollet s’élance et dévale la pente à toute vitesse. Depuis le bateau, la scène est saisissante, l’adrénaline est à son paroxysme. En bas, Paul Duvignau rame de toutes ses forces pour essayer de sortir de la zone d’impact. La mousse s’avance, emportant tout sur son passage. Tout, sauf le surfeur angloy qui dompte la bête sans trembler.
On laissera là les experts juger de la taille, mais tous étaient unanimes pour assurer que ce mur d’eau était le plus massif de la matinée.

Pierre Rollet, sur un mur d’eau

Après plus de trois heures sur le spot, nous regagnons la terre ferme, des souvenirs plein la tête, des images plein le boîtier. À la veille du reconfinement, le temps d’un instant figé et unique, Belharra aura permis à tous ces amoureux de la glisse de s’évader et d’oublier, un moment, la Covid 19, ses masques et la quarantaine qui s’ensuit.

La belle, Belharra